Sous la basilique Saint-Pierre de Rome repose l’Apôtre Pierre. Cette vérité n’a été prouvée que tardivement, au milieu du XXe siècle, après les fouilles lancées par le Pape Pie XII. Une découverte sensationnelle, qui est venue sublimer presque deux millénaires d’une tradition de prière et de dévotion.
Maria Milvia Morciano et Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Du sommet de la coupole, à plus de 133 mètres, jusqu’à l’endroit où reposent les restes de saint Pierre, à quelques mètres sous le sol de l’actuelle basilique, se devine un fil invisible qui retrace des siècles d’histoire. Aujourd’hui visitable, la tombe de saint Pierre n’a pourtant été redécouverte qu’il y a quelques dizaines d’années.
À sa mort en 1939, Pie XI demande à être enterré près de la tombe de saint Pierre. Un an plus tard, Pie XII, son successeur ose alors lancer des fouilles inédites sur le lieu supposé de la tombe de saint Pierre, presque 1900 ans après son martyre.
Crucifié dans le cirque de Néron, sur la rive droite du Tibre à Rome, l’apôtre Pierre est enterré non loin, sur la colline avoisinante faisant office de nécropole, au milieu de nombreux anonymes. Aucun signe n’a été conservé dans les archives de l’Empire romain concernant cet insignifiant pécheur galiléen. Mais les chrétiens ont gardé la trace de ce lieu hautement sacré, lieu de pélerinage depuis presque deux millénaires.
Le triomphe de Gaïus
Signalé d’abord par un simple édicule, forme de petite chapelle, appelé le triomphe de Gaïus, la tombe de l’Apôtre s’est vue honorée par différents autels dans la basilique constantinienne, puis celui actuel, commandé par Clément VIII en 1549, à l’ombre du baldaquin du Bernin.
Toutefois seule la transmission orale prouvait la réalité de la tombe de saint Pierre, jusqu’aux fouilles des années 1940, compliquées par la Seconde Guerre mondiale, et surtout jusqu’à l’annonce retentissante de Pie XII lors du message radiophonique de Noël du 23 décembre 1950, à la fin de l’Année Sainte: «la tombe du Prince des Apôtres a été retrouvée». Mais, le Pape poursuit en expliquant qu’il est impossible d’affirmer que les ossements retrouvés parmi tant d’autres dans cette nécropole du premier siècle ont appartenu à saint Pierre.
La découverte des ossements
En 1952, l’archéologue et épigraphiste florentine Margherita Guarducci prend la direction des fouilles et va faire une découverte extraordinaire. Spécialiste des inscriptions réalisées de main d’homme, elle travaille sur les nombreux graffiti retrouvés sur les murs du triomphe de Gaïus. Ces inscriptions témoignent de l’activité dévotionnelle et de tout un mouvement des premiers fidèles de la communauté de Rome qui se sont rendus près de cet édicule, pour honorer la mémoire du premier pape.
Margherita Guarducci se met au travail et déchiffre les différents graffiti parmi lesquels, «Petros eni», c’est-à-dire en grec «Pierre est ici». Près de cette inscription, elle retrouve une boîte précieusement décorée de porphyre insérée dans un trou creusé dans un mur du triomphe de Gaïus. Les ossements contenus dans cette boîte sont ensuite analysés et correspondent à un homme d’une soixantaine d’année et perclus d’arthrose, la maladie des pêcheurs. Saint Pierre est retrouvé.
Saint Pierre retrouvé
Pour Fiocchi Nicolai, professeur de topographie des cimetières chrétiens à l’Institut pontifical d’archéologie chrétienne, «lorsque la capsule constantinienne a été créée, on aurait pris ce qui restait des ossements de Pierre dans la fosse du tombeau et on les aurait placés dans la boîte murale pour les sauvegarder pour l’éternité».
Une découverte corroborée par les textes les plus anciens, comme celui d’Eusèbe de Césarée au IVe siècle, qui dans ses Historiae ecclesiasticae (II 25, 5-7) fait parler un certain Gaïus, qui assure qu’il peut montrer les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, respectivement au Vatican et sur le chemin d’Ostie.
Lors de l’audience générale du 26 juin 1968, le Pape Paul VI, rappelant les enquêtes et les études passées, tout en précisant que «les recherches, les vérifications, les discussions et les controverses ne s’épuiseront pas avec cela», a fait une «heureuse annonce»: «il nous faut être d’autant plus prompts dans notre joie que nous avons toute raison de croire que l’on a retrouvé les restes mortels -réduits mais sacro-saints- du Prince des Apôtres, de Simon fils de Jonas, du pêcheur appelé Pierre par le Christ, de celui qui fut choisi par le Christ comme fondement de l’Église, à qui le Seigneur a confié les clefs de son royaume, avec la mission de paître et de réunir son troupeau, l’humanité rachetée, jusqu’à son retour final et glorieux».
Depuis les années 1980, les fouilles de la basilique Saint-Pierre sont accessibles au public, proposant aux fidèles un véritable pélerinage au plus près des origines de l’Église.