Chers paroissiens, cette semaine nous continuons notre découverte des écrits du Père Michel Martin-Prével : Ecouter,Croire,Guérir
Écouter
La révélation chrétienne est surtout une parole de Dieu à écouter. « La foi vient de ce que l’on écoute » (Rm, 10, 17). Écouter est plus qu’entendre, où il ne s’agit pas seulement d’entendre des bruits mais de comprendre le sens d’une parole et de l’intégrer dans notre cœur. Auris est l’oreille et auscultare, racine de écouter, ce que fait l’oreille, comme akon, l’oreille en grec fait akono, écouter. Toute l’Ecriture nous dit que l’homme doit écouter Dieu. « Ecoute Israël… tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force » (Dt 6, 4). Car tu écouteras les paroles (les dix commandements) qui te rendront heureux. Le sens de ce mot biblique, shema, n’est pas dans un passif. Au contraire, il signifie obéir dans l’observance, dans l’application et dans la fidélité. Jésus convoque cette notion capitale dans le judaïsme, en disant : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » (Mc 4, 9). Et le premier commandement pour lui est bien : « Ecoute Israël » (Mc 12, 29).
Mais l’homme a du mal à écouter. Il parle trop parfois ou parle avant d’avoir écouté, spécialement dans le dialogue avec son semblable. Voilà pourquoi les rabbins font remarquer que Dieu nous a fait avec deux oreilles et une seule bouche, pour écouter deux fois plus que l’on ne parle. Remarquons également que nous pouvons voir celui qui nous regarde, mais quand nous parlons on ne peut pas entendre celui qui écoute. A l’inverse, il faut faire un effort pour écouter, surtout celui qui parle difficilement. Contrairement à l’homme, Dieu nous entend toujours, et le misérable est encore plus écouté. Il écoute le juste surtout quand il fait sa volonté. Il entend son Fils quand il décide à Gethsémani de ne faire que sa Volonté. Le petit enfant de la crèche, infans, qui veut dire qu’il ne parle pas encore, est pourtant à écouter. Ecoutons ce qu’il aura à nous dire dans la nuit de Noël ! Le silence de Dieu ne s’écoute bien que dans le secret du cœur.
Croire :
La base de notre foi est cette capacité extraordinaire à rencontrer Dieu par toutes nos capacités ! Le mot français est polysémique. On dit « je crois en Dieu » comme « je crois qu’il va pleuvoir ! » Credere veut dire confier, avoir confiance parce que c’est « tenir pour vrai », ou au moins pour « sincère ». Mais sincérité n’est pas encore vérité. La formule célèbre d’Augustin : “credere deo, credere deum, credere in deum”. Croire à Dieu, avec son intelligence, pour ce qu’il m’apporte de cohérence et de solution à mes questions existentielles. Croire Dieu, c’est croire que Dieu existe, lui faire confiance au sujet de la Vérité, et en faire une croyance, une opinion. On a là le « croyant mais pas pratiquant », qui en est encore à l’intelligence. Mais sur un troisième degré, croire en Dieu, comme le dit la formule du Credo, c’est se mettre en face de quelqu’un et non en face de vérités, même si elles sont révélées. C’est alors donner sa foi à quelqu’un, et s’ouvrir à une rencontre personnelle avec sa volonté, et se porter vers lui, en vivant sa foi. On confine alors à l’amour qui croit en l’être aimé, à l’instar du conjoint qui croit en l’être aimé au point de tout lui remettre et s’engager à vie avec lui jusqu’au bout.
Croire en Dieu veut-il dire perdre sa liberté ? C’est au contraire accéder à tout le monde du divin, espace de liberté et de paix. Il y a un saut à faire dans la foi par-dessus son intelligence, et un risque, qui selon le pari de Pascal, fait au minimum choisir de croire, car si c’était faux on aurait rien perdu, et si c’est vrai on a tout gagné ! Il reste que si je crois c’est un don de Dieu lui-même, car l’effort humain ne peut accéder seul à lui. Des gens qui le cherchent ne le trouvent pas toujours. C’est un don de Dieu qui n’attend que notre consentement. Ne faut-il pas ouvrir le paquet pour voir le cadeau qu’il contient. Croire en Dieu c’est aussi voir l’homme autrement, comment Dieu le voit, et comment Il aime l’homme pour l’avoir créé et l’avoir sauvé en accompagnant sa chute et l’avoir sanctifié pour le diviniser. « Va, ta foi t’a sauvé ! » dit Jésus .
Guérir :
La définition de guérir ? Délivrer d’un mal physique ou moral une personne malade. Rendre la santé, le salus latin qui a donné le mot « salut », but de l’incarnation de notre Sauveur, le médecin des hommes. Pour chacun de nous, la demande est grande d’être guéri de nos maux, de ce qui nous emprisonne, nous limite, nous fait souffrir, pour être débarrassé de ce qui nous atteint. Au risque trop souvent de recourir à des guérisseurs de tout poil, à des pratiques plus ou moins rationnelles, voire faisant affaire avec des esprits mauvais. N’est-ce pas d’abord de consolation dont nous avons besoin pour porter notre souffrance plus dignement, surtout s’il elle est inévitable. Car l’être humain a des ressources inimaginables pour souffrir, surtout si c’est pour une noble cause, l’histoire est remplie de héros qui ont dépassé la souffrance : les martyrs et les saints.
La conversion n’est-elle pas souvent préférable à la guérison ? La conversion est active, la guérison est plus passive, mais il faut vouloir guérir. Les médecins savent bien que le malade participe à sa guérison. Sur le plan spirituel, le Seigneur nous guérit non sans que nous le demandions avec persévérance, avec foi et prêt à tout faire selon sa volonté, soit que l’on guérisse pour se mettre à son service, comme nous le voyions si souvent dans l’Evangile, soit que nous portions une part de la souffrance du monde en s’associant à la sienne. « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours » disait le célèbre médecin Pasteur. La confiance en Dieu, comme tous les miracles de guérison de l’Evangile nous le rapportent, est la clé de la guérison. Mais, pour reprendre Ambroise Paré : « Je le soignai, Dieu le guérit », il ne faut surtout pas retirer de la guérison un quelconque pouvoir.
A l’heure de la mort qui pointe à l’horizon, les soins palliatifs ne guérissent pas, mais ils soulagent la souffrance et assurent la paix pour faire le passage, mieux que l’euthanasie qui brise le travail nécessaire pour se préparer à la mort et finalement ne respecte pas la dignité de l’être humain.