Tout au long de l’Avent,
Veiller :
Veiller signifie ne pas dormir quand on le devrait, ou rester sur ses gardes, surveiller ou veiller sur quelqu’un ou sur quelque chose. Ainsi apparaît toute la vocation des veilleurs d’armes sur leurs compagnons qui dorment pour guetter les dangers à leur place. Ainsi d’une personne qui veille un malade, ou un mourant pour lui être une présence. Que de charité dans les veilles pour les autres ! Veiller est aussi rester sur ses gardes, car le Malin veille lui aussi à nous mettre des bâtons dans les roues. Veiller aux embûches du chemin et aux tentations par la garde de nos sens et de notre parole. La capitaine du bateau, quand la brume est là, est sur la dunette à scruter l’horizon qu’il ne voit pourtant pas, et le veilleur abîme ses yeux alourdis de sommeil à attendre l’aurore pour prévenir ses compagnons de la venue de la lumière. Les vierges sages ont rempli leurs lampes, et les contemplatifs prient dans la nuit de ce monde pour préserver l’humanité de la chute. Savons-nous combien de personnes ont dû veiller sur nous depuis notre petite enfance et peut-être encore aujourd’hui. Et à notre tour, veillons-nous sur d’autres personnes dans la prière ou le soutien amical ?
La veille est curieusement attentive à une lumière qu’elle ne peut encore percevoir, d’où une espérance qui lui prête main forte, une attente douloureuse parce qu’elle n’est pas satisfaite, une persévérance qui ne se nourrit que d’un devoir, un report dans le temps qui n’est pas naturel. « Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure » (Mt 25, 13). Il y aurait une urgence à se préparer à ce qui vient, le retour du Seigneur qui peut être demain pour chacun de nous. L’Avent est fait pour nous projeter vers ce retour, vers notre destination finale, et une préparation de notre passage vers la lumière qui vient. Notre passeport pour le ciel donné au Baptême reste à être tamponné pour cet aller simple.
Espérer :
Au début de cet Avent et à l’aube du Jubilé « Pèlerins de l’Espérance », commençons ce cheminement en fortifiant notre espérance. Mais espérer, c’est quoi ? C’est considérer ce que l’on désire comme devant se réaliser, c’est attendre, escompter, souhaiter… Et non prendre ses désirs pour des réalités ! Il y a là tous les espoirs humains de bonheur, de paix, d’amour, d’attentes diverses plus ou moins couronnées d’exaucements. Le simple espoir est hésitant parce que souvent déçu ! On dit bien : « J’espère bien ! », parce qu’on n’en est pas sûr. On se sent impuissant devant le futur, qui n’est jamais certain ! Contrairement à l’espoir, l’espérance n’est pas rationnelle mais plus intuitive et surtout, elle est grâce et vertu théologale, donc inspirée par Dieu. Peut-on vivre sans espérance ? Avec la confiance, alors l’espoir devient l’espérance chrétienne, car il s’agit de la confiance en Dieu et non en soi-même. Pour saint Thomas d’Aquin, l’espérance est vertu, donc elle nous rend bon, et son objet est Dieu et la béatitude éternelle. On peut l’atteindre par la foi et la charité qui lui sont liées, autres vertus théologales.
« L’espérance est un risque à courir » dit Bernanos. Pas dans la certitude mais dans un acte de foi, car il faut oser l’espérance. « C’est la vertu éprouvée qui produit l’espérance » (Rm 5, 4). Quel que soit notre misère, l’espérance est possible car « ce n’est pas la profondeur de notre misère qui compte, mais la profondeur de notre espérance » (Cardinal Journet). Il faut ajouter à l’espérance l’intelligence qui entrevoit le but et la volonté pour s’y maintenir. Il y a déjà du bonheur à espérer. « On obtient de Dieu autant qu’on en espère », disait sainte Thérèse de Lisieux. Et quand on a obtenu ce qui était espéré, on n’a plus besoin de l’espérance. Dans le ciel, elle devient alors une pleine compréhension, comme la foi qui devient la vision parfaite. Les deux s’accomplissent alors dans l’amour parfaitement réalisé.
Père Michel Martin-Prével