Chers paroissiens, cette semaine nous continuons notre découverte des écrits du Père Michel Martin-Prével : communier, rendre grâces, respecter, obéir.
Communier
Quel beau mot que « communier », il comble celui qui le prononce. Il a une double étymologie : Cum unio, union commune et communire mettre en commun, ou bien cum munire, munire voulant dire fortifier. On est plus fort à deux ! Aucune autre religion ne nous laisse cette faculté de communier avec Dieu et de faire de la relation avec lui une relation concrète, à cause de son Incarnation. Préparé par l’ancienne Alliance et le don de la Loi avec les sacrifices et les repas sacrés, seul Jésus comble le désir de l’homme de communier en nous faisant participer à la nature divine. Déjà communier signifie vivre le commandement d’amour avec le prochain, les membres de sa famille. On parle de communion conjugale qui atteint un degré peu atteint dans les relations sociales, communion de corps et d’âme. Les premiers chrétiens n’avaient « qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4, 32) nourrie par la fraction d’un même pain. Cette communion au Corps du Christ réalise la communion au Fils et entre eux : communion eucharistique et ecclésiale C’est l’originalité catholique d’avoir depuis longtemps médité sur cette communion à Jésus, perdue par le protestantisme, qui faisait dire à saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Loin d’un simple symbole, qui serait déjà très beau, la Présence Réelle, appuyée par de nombreux miracles eucharistiques, nous fait toucher le Verbe fait chair, réalisme fou qui anticipe la joie de la communion éternelle dans la vision béatifique : « Être avec le Seigneur, toujours » (1 Th 4, 17). C’est un peu Noël qui continue dans un petit enfant, petit morceau de pain à Bethléem, la maison du pain. « Nous devons communier même quand nous n’en avons pas très envie. Ce n’est pas du gâteau, mais du pain dont nous devons nous nourrir par nécessité » disait Marthe Robin. Seigneur, donne-nous toujours le pain de la Communion Eucharistique, en avance sur la communion éternelle.
Rendre grâces.
Le mot grâce renvoie à tout ce que Dieu nous donne par pur amour. La grâce est à la fois source du don et effet de ce don pour chacun. Gratia, en latin signifie faveur, complaisance, mais aussi le retour du sujet vers son objet, la reconnaissance et la gratitude. Rendre grâces vise cette attitude de remerciement à l’auteur de tous nos dons. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Co 4, 7). Il y a aussi l’idée de gratuité. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8). La liturgie de l’Eglise est d’abord action de grâces, eucharistie dans toute messe et au long de ses offices, où elle reprend les cantiques de l’Écriture, le Benedictus aux laudes, le Magnificat aux Vêpres et le Nunc dimittis aux Complies. Le monde est divisé entre ceux qui remercient et ceux qui prennent tout comme si cela leur était dû, dit le pape François. Dire MERCI relève de la charité et de la justice, de la gentillesse, du lâcher-prise, et de la joie de donner. « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). Rendre grâces, c’est cultiver la vertu de gratitude, vertu redécouverte par les psychologues comme améliorant grandement le physique et le psychique de l’homme par toutes sortes de fruits de paix, de bien-être et d’optimisme. Ajoutons-y le spirituel avec l’espérance. La gratitude est une reconnaissance pour un service ou un bienfait reçu. Pas seulement dans l’acte de rendre ou de remercier, mais aussi dans le sentiment d’être touché, dans l’émerveillement du don reçu. « Je reconnais devant Toi le prodige, l’être étonnant que je suis » (Ps 138, 14). En cela on rejoint la louange, médicament spirituel à la dépression, au découragement et arme de combat dans l’adversité. Notre enfant intérieur qui demande à crier son insatisfaction, son désir d’infini, et sa soif d’amour, trouve dans l’action de grâces la porte de sortie vers le ciel. « Celui qui rend grâce, attire la grâce » dit saint Jean de la Croix. Les anges de Noël et les bergers nous donnent leur exemple : « Gloria in excelsis deo ! »
Respecter
Mot devenu très à la mode, pour parler souvent de charité, il souligne la dignité que l’on doit à tout homme, parce qu’il est enfant de Dieu : enfant, vieillard, malade, handicapé… Respect jusque dans sa mort, non pas en le tuant pour tuer sa souffrance, mais en la soulageant ! Vertu de base dans la vie sociale, le respect procède de la justice qu’on doit aux autres et un peu de la charité, comme charité minimum. On parle de respect pour les enfants dans leur fragilité, pour les morts dans leur mémoire, des biens d’autrui dans leur intégrité. On doit le respect à la Création, comme don de Dieu et avec gratitude pour tout ce qu’elle nous fournit. Il y a toute une chaîne de respect entre les hommes, dans un continuum entre le respect à Dieu (contre le blasphème) et le respect à ceux qui le représentent, tirant leur autorité de Lui : autorités civiles, parents, enseignants (contre la révolte) .Les fiancés se doivent le respect l’un pour l’autre parce qu’ils ne sont pas encore engagés à s’unir et les époux parce qu’ils se sont donnés totalement et que l’autre est une demeure sacrée. Le respect de la dignité de toute personne humaine a fait la merveille de la civilisation chrétienne, bien attaquée aujourd’hui. Mais le respect ne peut s’imposer par une loi. Aussi faut-il recommencer à l’enseigner avant de parler de civilisation de l’amour et de ses deux marqueurs d’humanité, l’enfance et la vieillesse. « Il y a deux moments de sa vie ou tout homme est respectable : son enfance et son agonie » (Henry de Montherlant).
Obéir
La racine de l’obéissance est l’écoute d’un autre que nous-même. C’est presqu’un synonyme d’écouter. Son étymologie est oboedire, construit sur ob-audio, écouter en avant, évoquant aussi obeire, aller vers quelqu’un. C’est donc un verbe d’action et non de passivité résignée. Adam et Eve ont désobéi, quand ils ont écouté une autre voix que celle de Dieu. Abraham nous enseigne que son obéissance a été le fruit de sa foi. « Quitte ton pays », parce tu me fais confiance, lui a dit Dieu. Et le peuple d’Israël a montré dans toute son histoire sa fidélité à l’Alliance fondée sur ce qu’ils ont décidé à l’Horeb : « Tout ce qu’a dit le Seigneur, nous le ferons et nous obéirons ! » (Ex 24, 7). Ce qui veut dire qu’il faut faire parfois avant de comprendre. Là est l’obéissance dite aveugle, mais qui libère, en particulier dans l’éducation ! « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté » dit Jean-Jacques Rousseau. Quelle est la plus difficile des obéissances ? La fidélité à ses propres valeurs ou à ses engagements. A la suite des commandements révélés comme des paroles d’amour pour le bonheur de l’homme dans l’ancienne Alliance, Jésus et tout le nouveau Testament nous parlent d’obéir à Dieu d’abord et aux autres ensuite, conséquence des deux commandements d’amour de Jésus, amour de Dieu et du prochain. Saint Paul parle d’obéissance aux autorités civiles (dont la limite est l’iniquité des lois), aux parents (surtout dans l’enfance), aux maîtres (légitimes) et même au conjoint (homme ou femme). Il reconnaît en chacune de ces obéissances l’autorité divine en filigrane. Pourtant l’imperfection des hommes demande que parfois l’obéissance ne s’impose pas absolument, pour des raisons supérieures, telles que la justice, la reconnaissance d’une iniquité, ou la charité pour un bien supérieur. L’obéissance suppose donc le discernement, pas toujours aisé. Mais il est vrai que : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 19), comme répond l’apôtre Pierre à ses détracteurs.