Chers paroissiens, cette semaine nous continuons notre découverte des écrits du Père Michel Martin-Prével : Recevoir la paix, se reposer, Louer.
Recevoir la paix
Tout homme désire la paix, en lui-même et autour de lui, mais il ne sait pas toujours ce qu’elle est et le chemin qui y conduit. « Recherche la paix et poursuis-la » (Ps 33, 15). Le mot hébreu Shalom évoque l’idée d’être complet, accompli, rétabli dans son intégrité, et non une absence de conflit. Au contraire, la paix nécessite une lutte intérieure, voire extérieure, pour atteindre la paix que saint Augustin appelle la tranquillité de l’ordre. Dans la nuit de Noël, les anges vont annoncer la paix aux hommes que Dieu aime : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2, 14). Jésus renvoie les gens avec un « Va en paix ! », après les avoir guéris, soignés, délivrés. Mais curieusement il annonce la nature de la paix ici-bas : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division » (Lc 12, 51). Ce n’est pas la guerre qu’il est venu détruire, mais la paix qu’il est venu surajouter, cette paix de Pâques déposée dans le cœur des disciples, victoire définitive sur le mal, réconciliation obtenue « en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 20).
La paix se construit : « Bienheureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». Là où règne la charité, il ne peut y naître que la paix. Par ailleurs, la vérité fait triompher la justice, et la justice précède la paix, en comblant chacun des biens qui lui sont nécessaires. En cet avent, cette « aventure » vers Noël, la paix ne sera bien donnée que si elle est préparée par des actes de vérité, de justice et de charité. Le Prince de la Paix apporte sa paix et non la paix, à sa manière plus virile, fruit d’une passion et d’une résurrection. Elle est le troisième fruit de l’Esprit Saint, dans l’épître aux Galates, après l’amour et la joie. Plusieurs fois dans la messe, nous entendons : « -Que la paix soit avec vous ! », « -Et avec votre esprit ». Paix reçue pour qu’elle soit redonnée aux autres, afin que nos ennemis redeviennent des frères.
Se reposer,
Au sens courant, se reposer veut dire ne rien faire. Ou faire tout autre chose, un loisir, une vacance qui fait vaquer, parfois un loisir qui « éclate », comme disent les jeunes, et fait perdre l’unité intérieure. De fait, il y a contraste entre repos et travail, surtout quand celui-ci est éreintant. L’origine du repos est biblique, mais n’apparaît pas en négation du travail. Dieu lui-même s’est reposé de l’œuvre qu’il avait faite en la contemplant, en se réjouissant. Tout se repose, même la terre qui a besoin de l’inaction de l’hiver.
Le repos chrétien, comme le shabbat juif, est « férie », c’est-à-dire fête sur d’autres bases, la contemplation et l’action de grâces. Notre monde a besoin d’honorer le septième jour qui respecte la Création, la souveraine majesté divine adorée dans ses œuvres. Le repos spirituel fait retraite, mise à part pour mieux écouter Dieu, son être profond, sa conscience pour repartir ensuite dans le don de soi aux autres, goûter à la paix et à la quiétude de l’âme. « Vers les eaux du repos, il me mène, il y refait mon âme » (Ps 22, 2). Ce repos fait goûter à la liberté des enfants qui se reposent sur leurs parents, à la présence du Bien-aimé qui ne se rencontre bien qu’au désert, loin des bruits et des soucis et des épreuves. « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme » (Mt 11, 29).
Ce verbe pronominal fait se reposer sur qui ? Sur une personne de confiance, sur ceux que l’on aime, sur Dieu. Et poser de nouveau sa vie, la re-poser, pour la confier à Dieu, aux autres. Jésus est le lieu du repos, spécialement sur son Sacré-Cœur, où Jean a posé sa tête, avant le départ du Seigneur. Le Christ a lui-même a posé sa tête sur la Croix pour s’endormir dans le shabbat, image de notre mort, « endormissement » dans les bras du Père. « Requiescat in pace », disons-nous pour un défunt. Promesse de la paix du ciel où l’action ne cesse pas, mais où se parfait notre identité accompagnée de ses œuvres de charité.
Louer
La louange est l’acte par lequel l’homme célèbre la Vie, acclame la grandeur et la bonté de Dieu. Activité première de la prière, louer se compare avec rendre grâces, en précisant que louer s’adresse à Dieu et rendre grâces plutôt à ses œuvres. La louange suscite la joie parce qu’elle s’émerveille d’un infini qui nous subjugue et pour lequel nous sommes faits. On loue Dieu parce qu’il est Dieu. La Bible regorge de chants de louange, et pas que dans les psaumes. Le psaume 150 termine la louange d’Israël avec 13 fois le mot louer. On y loue Dieu dans sa bonté, son secours, son amour et sa fidélité, sa justice et sa miséricorde. On le loue pour ses œuvres et ainsi on se relie à lui.
La venue du Christ commence dans la louange des anges à Bethléem. Elle l’accompagne de ses hosannas à la porte de Jérusalem et se réjouit dans ses alléluias à sa résurrection. C’est la foi qui fait louer et souvent par le chant, expression aboutie de l’âme humaine. Finalement la louange est la colonne vertébrale de toute la liturgie de l’Eglise. Ceux qui louaient le Seigneur parce qu’Il avait délivré Israël en traversant la mer Rouge et à qui on révélait qu’il ne s’agissait que d’un marais peu profond, reprenaient de plus belle la louange parce qu’Il avait noyé dans si peu d’eau toute l’armée de Pharaon. Louer est un strabisme efficace qui défie toute adversité, comme pour les hébreux autour de Jéricho qui en ont abattu les murailles par leurs cris de louange. Tous les peuples sont conviés à la louange en attendant la grande louange du Royaume qui ne connaîtra pas de fin. Autant s’y préparer dès ici-bas en proclamant avec le Christ : « Par lui, avec lui et en lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen ! »