Le dicastère pour les Causes des saints examine chaque année des centaines de pages de matériel sur les futurs vénérables, bienheureux et saints de l’Église catholique. Mais comment tournent réellement les rouages de la « fabrique des saints » ? Aleteia en esquisse le fonctionnement avec quelques chiffres et explications.
C’est un lieu qui alimente décidément beaucoup d’hypothèses et de mystères. Au Vatican, le dicastère pour les Causes des saints traite des centaines de dossiers concernant de futurs vénérables, bienheureux et saints. Mais comment les dossiers arrivent-ils à Rome ? Si l’évêque d’un diocèse estime qu’il existe des informations suffisantes sur la vie d’un baptisé qui jouit d’une certaine « renommée de sainteté », il peut ouvrir la cause au niveau diocésain, en lançant une enquête. Cette étape servira à vérifier si cette personne a pratiqué des « vertus héroïques », terme désignant « la disposition habituelle à faire le bien fermement, continuellement et sans hésitation », à un niveau élevé de la vie spirituelle. Une personne dont la cause a été ouverte est alors considérée comme un « serviteur de Dieu ».
Pour cette enquête de la « phase diocésaine », l’évêque nomme un tribunal, composé d’historiens et de théologiens, pour ordonner et évaluer le matériel recueilli. Une fois l’enquête clôturée, l’évêque peut envoyer toutes les informations au dicastère pour les Causes des saints au Vatican.
Environ 2.000 à 3.000 causes ouvertes actuellement
Actuellement, entre 2.000 et 3.000 causes ont été déposées au Vatican et le dicastère reçoit quelque 50 nouvelles causes chaque année. À chaque cause est attribué un postulateur, qui en est la « cheville ouvrière ». Lorsque les dossiers arrivent à Rome, le postulateur, guidé par l’un des cinq relateurs du dicastère, rédige une positio, volume synthétisant toutes les preuves rassemblées par le diocèse pour attester de la sainteté d’un baptisé.
Ces positiones s’apparentent à des thèses de doctorat et leur compilation peut prendre plus de trois ans. Une fois le rapport terminé, il est présenté aux différentes commissions d’historiens et de théologiens et enfin aux évêques et cardinaux membres du dicastère. S’ils expriment un avis favorable, leur décision est alors soumise au Pape pour une approbation finale. Une fois que le Pape a donné son accord, le dicastère promulgue des décrets officialisant la reconnaissance de l’Église, étape après étape.
Les étapes du procès vers la canonisation
Parmi les milliers de dossiers à examiner, la majorité se situe au premier échelon de l’échelle de la sainteté, qui correspond à l’évaluation des « vertus héroïques » d’un serviteur de Dieu. Si ces vertus sont reconnues, alors le serviteur de Dieu peut être décrété vénérable.
La deuxième grande catégorie de causes concerne l’examen des miracles qui ont pu se produire grâce à l’intercession d’un vénérable ou d’un bienheureux. La reconnaissance d’un miracle dû à un vénérable ouvre la voie à sa béatification ; si un deuxième miracle est reconnu ensuite, le bienheureux pourra être canonisé.
Certains dossiers concernent des martyrs, c’est-à-dire les personnes qui ont été tuées en raison de leur foi. Un serviteur de Dieu reconnu comme martyr sera béatifié, même si un miracle n’a pas eu lieu.
Une vie offerte par charité pour les autres
Un petit nombre de dossiers concerne également des personnes qui ont offert leur vie par charité pour les autres. Ce nouveau profil, introduit par le pape François en 2017, est similaire au martyre mais n’exige pas qu’une personne ait été tuée en raison de sa foi.
Ces proportions se reflètent également dans les nombreux décrets promulgués en 2022. Le Pape, qui a accordé cinq audiences au préfet du dicastère depuis le début de l’année, a approuvé des décrets ouvrant la voie à la canonisation de deux bienheureux.
Le Pape a aussi approuvé la reconnaissance de trois martyres et de miracles attribués à deux vénérables – ouvrant ainsi la voie à leur béatification. Par ailleurs, 26 vénérables ont été reconnus. Depuis 2014, le préfet a rencontré le Pape une dizaine de fois par an en moyenne, pour lui présenter des décrets à approuver.
Un saint ou un bienheureux ne l’est officiellement que lorsqu’une messe est célébrée et la formule spécifique prononcée. Après avoir dû suspendre ou retarder plusieurs célébrations en raison de la pandémie, cette année 12 nouveaux saints ont été canonisés et 85 bienheureux.
Qui fait fonctionner la machine ?
Au total, une soixantaine de personnes travaillent au dicastère pour les Causes des saints, selon l’annuaire pontifical de 2022. On compte 34 membres, 16 cardinaux et 18 évêques, qui ont été nommés par le Pape pour prendre les décisions les plus importantes au sein du dicastère. L’un des membres est le préfet du dicastère, actuellement le cardinal italien Marcello Semeraro.
Les numéro 2 et 3, secrétaire et sous-secrétaire du dicastère, sont respectivement Mgr Fabio Fabene et le père Bogusław Stanisław Turek. À cela s’ajoute un Promoteur de la Foi, aussi appelé prélat théologien, Mgr Carmelo Pellegrino, qui a pour tâche d’assurer la recherche de la vérité dans les causes et donne un avis sur les positiones.
La fabrique des saints compte encore cinq relateurs, dont l’un est le relateur général, actuellement le père Vincenzo Criscuolo, qui aident à rédiger les positiones. Les autres employés du dicastère, au nombre de 22, travaillent entre autres au secrétariat ou dans le secteur technique.
D’autres experts, en l’occurrence 33 consultants théologiens et 26 consultants historiques, donnent leurs avis sur les positiones. En outre, un certain nombre d’experts médecins sont rattachés au dicastère, dont la liste n’est pas publique. Ils sont probablement assez nombreux, afin de couvrir les différentes spécialités en la matière, car ils ont l’importante tâche d’évaluer si une guérison médicale est vraiment miraculeuse et peut être attribuée à l’intercession d’un vénérable ou d’un bienheureux.