Rappelant sa volonté d’écarter « la haine qui détruit notre humanité », Roseline Hamel, la sœur du père Jacques Hamel, a livré au quatrième jour du procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray son témoignage. Un chemin de Vie mâtiné de souffrance mais aussi de pardon.
Elle n’a rien caché de la souffrance qui l’habite. Roseline Hamel, la sœur du père Jacques Hamel, a pu raconter près de six ans après les faits, devant la cour d’assises spéciale de Paris, qui était son frère, ce qu’elle a traversé et ce qu’est sa vie aujourd’hui. « La souffrance de sa disparition, dans ces conditions, persiste. Ce fut une déchirure pour nous tous et elle est permanente. »
J’ai demandé à Marie de me donner sa force que je puisse marcher dans les pas de mon frère comme elle avait marché dans ceux de ton fils pour porter message de paix et d’amour.
Quand elle est rentré chez elle après l’assassinat de son frère, c’est dans l’église d’à côté, au pied d’une statue de la pietà, qu’elle a cherché du réconfort. « Marie a vécu le martyre de son fils sans pouvoir intervenir. Je lui ai demandé de me donner sa force que je puisse marcher dans les pas de mon frère comme elle avait marché dans ceux de ton fils pour porter un message de paix et d’amour. »
Dans les mois qui suivent, alors qu’on ne cesse de lui demander si elle a pardonné, Roseline Hamel se demande qui pourrait souffrir plus qu’elle. « Je sais bien que la souffrance ne se compare pas, ne se hiérarchise pas », reconnaît-t-elle. « Mais quelques mois plus tard j’ai eu ma réponse. Je suis une maman, j’ai eu quatre enfants. Une autre femme a eu quatre enfants et en a perdu un le 26 juillet 2016. » Il s’agit d’Aldjia Kermiche, la mère de l’un des deux assaillants. « Quand j’ai eu le plaisir de la rencontrer elle m’a ouvert la porte en me demandant pardon », raconte-t-elle. « Je lui ai répondu que ce n’était pas ça que je voulais d’elle mais que nous apprenions à gérer notre douleur ensemble, je voulais l’aider. C’est ainsi que j’ai trouvé mon chemin de vie ». Depuis près de six ans Roseline Hamel se reconstruit mais ne cache rien de sa souffrance. « Nous nous reconstruisons par morceaux, façon puzzle. Mais cela reste fragile. »
Le pardon, chemin de vie
À la fin de sa déclaration, Roseline Hamel trouve la force de se tourner vers le box des accusés pour leur dire : « Vous n’aurez pas ma haine […] cette haine qui détruit l’humanité ». Mais aussi pour dire sa foi, ce en quoi elle croit : « C’est avec l’amour que Dieu nous a confié, ce magnifique don d’amour, que l’on construit la paix, la liberté, la fraternité. »
« Le pardon a une force qui déplace les montagnes », conclut-t-elle. « Des montagnes d’épreuves. Porter ce message de pardon c’est désormais mon chemin de Vie. » Des mots qui, comme ceux de Guy Coponet le matin même, ont su toucher le cœur des personnes présentes dans l’audience. « Merci pour ce beau témoignage plein d’émotion contenue, perceptible, d’espoir et de générosité », a salué le président de la cour d’assises spéciale. Un remerciement également formulé par l’avocate générale : « Merci pour cette déposition touchante, forte, pleine de justesse et d’humanité. »