Bien que la définition de ces deux mots semble assez proche, la Providence et le destin ne signifient pas la même chose.
« C’était le destin ! », entend-on dire parfois lorsque quelqu’un réagit à un événement qui lui est arrivé. Comme si la vie était écrite d’avance et que l’histoire à venir d’un individu, d’une société, de l’humanité tout entière ou encore de l’univers ne pouvait être modifiée par l’homme.
Bien que le destin désigne une puissance supérieure à la volonté humaine qui régirait le cours des événements, l’Église catholique ne croit pas en lui et parle plutôt de la Providence, du latin providere qui signifie « prévoir, pourvoir ». La Providence est donc un acte par lequel Dieu, dans sa sagesse, conduit toutes ses créatures vers la perfection à laquelle il les a appelées. En quoi est-ce donc différent du destin ?
Dieu agit à travers les libertés humaines
Dans la mythologie grecque et romaine, le destin est une divinité aveugle, à laquelle toutes les autres divinités sont soumises, et à laquelle l’homme cherche désespérément à échapper. La religion chrétienne, elle, ne dit pas que l’homme est irrémédiablement lié à des forces obscures mais qu’au contraire il en est délivré. Cela ne nie pas le hasard, ni les inégalités, ni les pressions psychologiques dont il est l’objet, mais cela signifie que bien qu’il ne puisse décider de tout, c’est lui le maître de sa vie, un maître qui peut compter sur quelqu’un d’autre à ses côtés. Et ce quelqu’un, c’est Dieu. Ainsi, contrairement à l’idée du destin, où tout est prédéfini d’avance par une force suprême, la Providence met en avant la liberté de l’homme.
Les Pères de l’Église ont très bien saisi cette différence et ont pris soin de souligner l’autonomie et la liberté de l’homme dans la conduite de sa vie, en indiquant qu’il n’y a pas de plan pré-écrit de l’histoire ou des destins personnels. Dieu agit à travers les libertés humaines, même contraires. C’est notamment ce que dit saint Augustin dans La Cité de Dieu :
« Quant à ceux qui appellent destin, non la disposition des astres au moment de la conception ou de la naissance, mais la suite et l’enchaînement des causes qui produisent tout ce qui arrive dans l’univers, je ne m’arrêterai pas à les chicaner sur un mot, puisqu’au fond ils attribuent cet enchaînement de causes à la volonté et à la puissance souveraine d’un principe souverain qui est Dieu même, dont il est bon et vrai de croire qu’il sait d’avance et ordonne tout, étant le principe de toutes les puissances sans l’être de toutes les volontés. C’est donc cette volonté de Dieu, dont la puissance irrésistible éclate partout, qu’ils appellent destin. »
Le destin est subi, la Providence est choisie
« La divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit ses créatures vers l’ultime perfection à laquelle il les a appelées. Dieu est l’auteur souverain de son dessein. Mais, pour sa réalisation, il utilise aussi la coopération de ses créatures. En même temps, il leur donne la dignité d’agir par elles-mêmes et d’être causes les unes des autres », précise le Catéchisme de l’Église catholique (CEC 302-306). C’est donc dans un esprit de liberté mais aussi dans l’abandon au Seigneur que l’homme construit son avenir avec Dieu à ses côtés :
« Tout en respectant sa liberté, Dieu donne à l’homme et lui demande de collaborer par ses actions, par ses prières, mais aussi par ses souffrances, en suscitant en lui « le vouloir et le faire selon la bonté de son dessein » (Ph 2, 13) » (CEC 307-308)
Ainsi, notre vie n’est pas écrite d’avance, comme le présuppose le mot « destin », mais l’invitation à vivre pour toujours en Dieu, dans une liberté totale.