Le pape François a publié ce mercredi 29 juin une lettre pour tous les fidèles au sujet de la liturgie. C’est une longue méditation, à lire pour mieux vivre les célébrations et comprendre leur importance dans la vie chrétienne. Aleteia en a retenu quelques passages saillants.
Le titre de la lettre apostolique du pape François publiée en ce mercredi 29 juin, solennité des saints apôtres Pierre et Paul, est évocateur. « Desiderio desideravi” est en effet le début d’une parole du Christ avant la Cène : « J’ai désiré d’un grand désir, manger cette pâque avec vous, avant de souffrir ! » (Lc 22, 15). S’ensuit une longue méditation sur la liturgie, l’accent étant mis sur la formation comme l’indique l’adresse du texte. Mais, un an après le motu proprio Traditionis custodes, le successeur de Pierre veut surtout redire la nécessité de faire la paix autour des questions liturgiques.
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FRANÇOIS S’ADRESSE À TOUS ET LIVRE DES RÉFLEXIONS SUR LA LITURGIE
Un an après Traditionis custodes, accompagné d’une lettre pour les évêques, le pape François s’adresse à tous les fidèles. Il désire méditer sur la liturgie, “dimension fondamentale pour la vie de l’Eglise”. Contrairement au motu proprio, cette missive n’a pas d’effets réglementaires.
Le sujet est vaste et mérite d’être examiné attentivement sous tous ses aspects : toutefois, dans cette lettre, je n’ai pas l’intention de traiter la question de manière exhaustive. Je souhaite plutôt offrir quelques pistes de réflexion qui puissent aider à la contemplation de la beauté et de la vérité de la célébration chrétienne.” (art. 1)
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LA CÉLÉBRATION DU CULTE EST UN LIEU D’UNITÉ
François voulait, par son motu proprio du 16 juillet 2021, rappeler que la messe était par excellence le sacrement de l’unité. De nouveau, il évoque cette dimension dans la lettre apostolique.
Je voudrais que la beauté de la célébration chrétienne et ses conséquences nécessaires dans la vie de l’Église ne soient pas défigurées par une compréhension superficielle et réductrice de sa valeur ou, pire encore, par son instrumentalisation au service d’une vision idéologique, quelle qu’elle soit. La prière sacerdotale de Jésus à la dernière Cène pour que tous soient un (Jn 17,21), juge toutes nos divisions autour du Pain rompu, sacrement de piété, signe d’unité, lien de charité. (art. 16)
La liturgie ne dit pas « je » mais « nous » et toute limitation de l’étendue de ce « nous » est toujours démoniaque. (art. 19)
Se rassembler, marcher en procession, s’asseoir, se tenir debout, s’agenouiller, chanter, se taire, acclamer, regarder, écouter. Ce sont autant de façons par lesquelles l’assemblée, comme un seul homme (Ne 8,1), participe à la célébration. […] Il s’agit d’une uniformité qui non seulement ne mortifie pas mais, au contraire, éduque le fidèle individuel à découvrir l’unicité authentique de sa personnalité non pas dans des attitudes individualistes mais dans la conscience d’être un seul corps. (art. 51)
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IL FAUT CÉLÉBRER LA LITURGIE AVEC SOIN ET OBÉISSANCE
Une fois n’est pas coutume, le pape François met l’accent sur l’importance de respecter les textes qui disent comment célébrer. Le contraire risquerait d’être du subjectivisme. Cette insistance est aussi une manière de ne pas cautionner les liturgies farfelues ou bâclées.
La redécouverte continuelle de la beauté de la liturgie n’est pas la poursuite d’un esthétisme rituel qui ne prend plaisir qu’à soigner la formalité extérieure d’un rite ou se satisfait d’une scrupuleuse observance des rubriques. Il va de soi que cette affirmation ne vise nullement à approuver l’attitude opposée qui confond la simplicité avec une banalité débraillée, l’essentialité avec une superficialité ignorante, ou le caractère concret de l’action rituelle avec un fonctionnalisme pratique exaspérant. (art. 22)
Soyons clairs : tous les aspects de la célébration doivent être soignés (espace, temps, gestes, paroles, objets, vêtements, chant, musique, …) et toutes les rubriques doivent être respectées. (art. 23)
L’ars celebrandi ne peut être réduit à la simple observation d’un système de rubriques, et il faut encore moins le considérer comme une créativité imaginative – parfois sauvage – sans règles. Le rite est en soi une norme, et la norme n’est jamais une fin en soi, mais elle est toujours au service d’une réalité supérieure qu’elle entend protéger. (art. 48)
L’art de la célébration ne s’improvise pas. Comme tout art, il exige une application constante. Pour un artisan, la technique suffit. Mais pour un artiste, en plus des connaissances techniques, il faut aussi de l’inspiration, qui est une forme positive de possession. (art. 50)
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L’ÉMERVEILLEMENT, REMÈDE AU MANQUE DE SACRALITÉ
Un reproche est souvent fait par les opposants à la messe issue de la réforme liturgique de Vatican II : elle manque de sacralité, elle est trop horizontale. Pour contrecarrer cette critique qui lui paraît injustifiée, le pape François invite à l’émerveillement.
C’est parfois l’une des principales accusations présumées contre la réforme liturgique. On dit que le sens du mystère a été supprimé de la célébration. L’émerveillement dont je parle n’est pas une sorte de désarroi devant une réalité obscure ou un rite énigmatique, mais c’est, au contraire, l’émerveillement devant le fait que le dessein salvifique de Dieu nous a été révélé. […] Si l’émerveillement est vrai, il n’y a aucun risque que nous ne percevions pas, même dans la proximité voulue par l’Incarnation, l’altérité de la présence de Dieu. Si la réforme avait éliminé ce vague « sens du mystère », ce serait une note de mérite plutôt qu’un acte d’accusation. (art. 25)
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LES DISSENSIONS LITURGIQUES ONT UN RESSORT ECCLÉSIOLOGIQUE
C’était le cœur du motu proprio Traditionis custodes : si certains refusent la messe de saint Paul VI et la concélébration, c’est pour des raisons plus profondes, liées à la compréhension de ce qu’est l’Eglise, explicitée dans la Constitution dogmatique Lumen gentium du concile.
Il serait banal de lire les tensions, malheureusement présentes autour de la célébration, comme une simple divergence entre différentes sensibilités envers une forme rituelle. La problématique est avant tout ecclésiologique. Je ne vois pas comment on peut dire que l’on reconnaît la validité du Concile – bien que je m’étonne qu’un catholique puisse prétendre ne pas le faire – et ne pas accepter la réforme liturgique née de Sacrosanctum Concilium, un document qui exprime la réalité de la liturgie en lien intime avec la vision de l’Église admirablement décrite par Lumen Gentium. (art. 31)
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UNE NÉCESSITÉ : LA FORMATION LITURGIQUE DE TOUS
Pour que chacun puisse profiter au mieux des célébrations liturgiques pour son bien spirituel, mais aussi pour que ceux qui sont rétifs à la réforme liturgique y adhèrent, une seule solution : la formation ! Objet principal de la lettre « sur la formation liturgique du peuple de Dieu ».
La non-acceptation de la réforme, ainsi qu’une compréhension superficielle de celle-ci, nous détournent de la tâche de trouver les réponses à la question que je reviens à répéter : comment pouvons-nous grandir dans la capacité de vivre pleinement l’action liturgique ? Comment continuer à nous laisser surprendre par ce qui se passe dans la célébration sous nos yeux ? Nous avons besoin d’une formation liturgique sérieuse et vitale. (art. 31)
À la lumière de ce que nous avons rappelé ci-dessus, nous comprenons que l’année liturgique est l’occasion pour nous de grandir dans notre connaissance du mystère du Christ, en plongeant nos vies dans le mystère de sa Pâque, dans l’attente de son retour dans la gloire. Il s’agit d’une véritable formation permanente.(art. 64)
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REDÉCOUVRIR NOTRE CORPS GRÂCE À LA PARTICIPATION LITURGIQUE
Dans un monde toujours davantage virtuel et en même temps obsédé par l’apparence, le Saint-Père voit dans la liturgie une école pour habiter et connaître son corps.
Notre ouverture au transcendant, à Dieu, est constitutive : ne pas la reconnaître nous conduit inévitablement non seulement à une méconnaissance de Dieu mais aussi à une méconnaissance de nous-mêmes. Il suffit de regarder la manière paradoxale dont le corps est traité, à un moment soigné de manière presque obsessionnelle, inspiré par le mythe de l’éternelle jeunesse, et à un autre moment réduisant le corps à une matérialité à laquelle on refuse toute dignité. Le fait est que l’on ne peut pas donner de valeur au corps en partant uniquement du corps lui-même. (art. 44)
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DE L’IMPORTANCE DU SILENCE
Le cardinal Sarah en avait fait un livre, La Force du silence. Le pape François lui aussi veut mettre en avant le silence, qui n’est pas un temps mort mais un moment à part entière des célébrations. Un moment pendant lequel peut souffler l’Esprit-saint.
Parmi les gestes rituels qui appartiennent à l’ensemble de l’assemblée, le silence occupe une place d’importance absolue. Bien souvent, il est expressément prescrit dans les rubriques. Toute la célébration eucharistique est immergée dans le silence qui précède son début et qui marque chaque moment de son déroulement rituel. […] Un tel silence n’est pas un havre intérieur dans lequel se cacher dans une sorte d’isolement intime, comme si on laissait derrière soi la forme rituelle comme une distraction. Ce type de silence contredirait l’essence même de la célébration. Le silence liturgique est quelque chose de beaucoup plus grand : il est le symbole de la présence et de l’action de l’Esprit Saint qui anime toute l’action de la célébration. (art. 52)
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LES “MALADIES” DU PRÊTRE QUI VEUT ÊTRE AU CENTRE DE L’ATTENTION
Le pape François est familier de ce mode d’expression. Pour mieux exprimer dans quelle attitude le prêtre doit présider l’eucharistie, il énonce une liste de travers paradoxaux. En creux se dessine la figure du pasteur qui ne cherche pas à être au centre des préoccupations.
On pourrait dire qu’il existe différents « modèles » de présidence. Voici une liste possible d’approches qui, bien qu’opposées l’une à l’autre, caractérisent une manière de présider certainement inadéquate : une austérité rigide ou une créativité exaspérante, un mysticisme spiritualisant ou un fonctionnalisme pratique, une vivacité précipitée ou une lenteur exagérée, une insouciance négligée ou une minutie excessive, une amabilité surabondante ou une impassibilité sacerdotale. Malgré la grande variété de ces exemples, je pense que l’inadéquation de ces modèles de présidence a une racine commune : un personnalisme exacerbé du style de célébration qui exprime parfois une manie mal dissimulée d’être le centre de l’attention. (art. 54)
Présider l’Eucharistie, c’est être plongé dans la fournaise de l’amour de Dieu. Lorsqu’il nous sera donné de comprendre cette réalité, ou même simplement d’en avoir l’intuition, nous n’aurons certainement plus besoin d’un Directoire qui nous imposerait le comportement adéquat. Si nous en avons besoin, c’est à cause de la dureté de notre cœur. (art. 57)
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LE PAPE À LA RECHERCHE DE L’APAISEMENT
Les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain l’attendaient : un signe paternel de la part de Rome. Avant de finir sa lettre, le Vicaire du Christ redit à la fois les raisons qui l’ont amené à publier Traditionis custodes, et en même temps son désir que cessent les querelles autour de la liturgie.
Nous sommes appelés à redécouvrir sans cesse la richesse des principes généraux exposés dans les premiers numéros de Sacrosanctum concilium, en saisissant le lien intime entre cette première constitution du Concile et toutes les autres. […] C’est pour cette raison que j’ai écrit Traditionis custodes, afin que l’Église puisse élever, dans la variété de tant de langues, une seule et même prière capable d’exprimer son unité. Comme je l’ai déjà écrit, j’entends que cette unité soit rétablie dans toute l’Église de rite romain. (art. 61)
Abandonnons nos polémiques pour écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Eglise. Sauvegardons notre communion. Continuons à nous émerveiller de la beauté de la liturgie. La Pâque nous a été donnée. Laissons-nous protéger par le désir que le Seigneur continue d’avoir de manger sa Pâque avec nous. Sous le regard de Marie, Mère de l’Église. (art. 65)