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Cette fête liturgique du Corpus Domini, qui a plusieurs noms d’usage (selon les lieux, elle est appelée « Fête du Corps et du Sang du Christ », « Fête du Saint-Sacrement » ou encore « Fête-Dieu »), célébrée cette année ce dimanche 6 juin ou le jeudi 3 juin, donne habituellement lieu à des processions. Traditionnellement, le Pape, évêque de Rome, célèbre l’eucharistie sur le parvis de Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale de son diocèse. Mais pour la deuxième année consécutive, et toujours dans le contexte de la pandémie de coronavirus, la messe a été célébrée en format « restreint », depuis l’autel de la Chaire de la basilique Saint-Pierre.
Dans son homélie, le Pape François a invité à s’interroger sur les lieux concrets où se vit l’accueil du Pain eucharistique, en partant de trois images tirées de l’Évangile de Marc qui venait d’être lu.
Retrouver la soif de Dieu
Tout d’abord, celle de l’homme qui «porte une cruche d’eau». Cette image pourrait sembler prosaïque et anecdotique, mais en réalité, elle est symbolique de toute une démarche de sens. «Cet homme tout à fait anonyme devient le guide pour les disciples qui cherchent le lieu qui sera ensuite appelé le Cénacle. Et la cruche d’eau est le signe de reconnaissance: un signe qui fait penser à l’humanité assoiffée, toujours à la recherche d’une source d’eau qui la désaltère et la régénère», a expliqué le Pape
«Nous marchons tous dans la vie avec une cruche à la main: nous avons soif d’amour, de joie, d’une vie réussie dans un monde plus humain. Et pour cette soif, l’eau des choses mondaines ne sert pas, parce qu’il s’agit d’une soif plus profonde, que seul Dieu peut satisfaire», a expliqué François.
«S’il manque la soif, nos célébrations deviennent arides. Aussi en tant qu’Église, alors, le petit groupe des habitués qui se réunissent pour célébrer l’Eucharistie ne peut pas suffire; nous devons aller en ville, rencontrer les gens, apprendre à reconnaître et à réveiller la soif de Dieu et le désir de l’Évangile», a exhorté le Pape.
Élargir les espaces pour recevoir la présence de Dieu
La seconde image est celle de la « grande salle à l’étage». Il s’agit ici d’une invitation à élargir nos espaces intérieurs pour les rendre aptes à recevoir la visite du Seigneur. «La présence de Dieu est si humble, cachée, parfois invisible, qu’elle a besoin d’un cœur préparé, éveillé et accueillant pour être reconnue. Si notre cœur, au lieu d’une grande salle, ressemble à un placard où nous gardons avec regret les vieilles choses ; s’il ressemble à un grenier où nous avons rangé depuis longtemps notre enthousiasme et nos rêves; s’il ressemble à une pièce étroite et sombre parce que nous ne vivons que de nous-mêmes, de nos problèmes et de nos amertumes, alors il sera impossible de reconnaître cette présence de Dieu, silencieuse et humble. Il faut une grande salle. Il faut élargir notre cœur», a expliqué le Pape. L’Église doit être aussi une grande salle. Pas un petit cercle fermé, mais une communauté avec les bras grands ouverts, accueillante envers tous, a averti le Saint-Pèreen mettant en garde contre l’esprit sectaire qui peut émerger dans certains mouvements.
«L’Église des parfaits et des purs est une salle où il n’y a de place pour personne; l’Église aux portes ouvertes, qui fait la fête autour du Christ, est par contre une grande salle où tout le monde peut entrer, et notamment celui qui s’est trompé ou qui est blessé», a expliqué le Successeur de Pierre.
Le Pain eucharistique, expression du Dieu de l’amour
Enfin, troisième, celle de « Jésus qui rompt le Pain ». Ce geste est «bouleversant: jusqu’alors on immolait des agneaux et on les offrait en sacrifice à Dieu, maintenant c’est Jésus qui se fait agneau et s’immole pour nous donner la vie.»
Ce renversement religieux bouleverse le rapport entre l’humanité et Dieu. «Dans l’Eucharistie, nous contemplons et adorons le Dieu de l’amour. C’est le Seigneur qui ne rompt personne mais qui se rompt lui-même. C’est le Seigneur qui n’exige pas de sacrifices mais qui se sacrifie lui-même. C’est le Seigneur qui ne demande rien mais qui donne tout.»
Mais cette nouvelle donne doit nous responsabiliser, et non pas nous rendre passifs. «Pour célébrer et vivre l’Eucharistie, nous aussi nous sommes appelés à vivre cet amour. Car tu ne peux pas rompre le Pain du dimanche si ton cœur est fermé à tes frères. Tu ne peux pas manger ce Pain si tu ne donnes pas le pain à l’affamé. Tu ne peux pas partager ce Pain si tu ne partages pas les souffrances de celui qui est dans le besoin». À la fin, «seul l’amour restera», a rappelé le Pape.
Le devoir des chrétiens est donc de «sortir avec enthousiasme en portant le Christ à ceux que nous rencontrons dans la vie de chaque jour. Devenons une Église avec la cruche en main, qui réveille la soif et apporte de l’eau. Ouvrons grand notre cœur dans l’amour, pour être la salle spacieuse et accueillante où tous peuvent entrer pour rencontrer le Seigneur. Rompons notre vie dans la compassion et la solidarité, afin que le monde voie à travers nous la grandeur de l’amour de Dieu.»
C’est par notre propre mise en mouvement que le Seigneur fera ressentir sa présence. «Alors le Seigneur viendra, il nous surprendra encore, il se fera encore nourriture pour la vie du monde. Et il nous rassasiera pour toujours, jusqu’au jour où, au banquet du Ciel, nous contemplerons son visage et nous nous réjouirons sans fin», a conclu le Saint-Père.