Le début du mois de septembre rime avec rentrée, laquelle ne concerne pas seulement les enfants. Les prêtres aussi, ces jours-ci, sont nombreux à commencer une nouvelle mission. Retour sur les règles et les questions qui touchent à la mobilité des prêtres.
Pour les paroisses aussi, c’est la rentrée. Un début d’année pastorale qui peut s’accompagner de l’arrivée de nouveaux prêtres, souvent nommés à partir du 1er septembre. Un mercato presbytéral qui peut s’avérer important dans certains diocèses, et qui pose la question de la stabilité des missions, mais également des communautés.
La structuration de la vie paroissiale s’est faite lentement dans l’histoire de l’Église, d’abord construite autour de l’évêque, pasteur d’une portion de territoire qu’est don diocèse. Mais les chrétiens étant de plus en plus nombreux, l’échelon paroissial se fait une place. Le prêtre, collaborateur de l’évêque, devient le pasteur propre de sa petite communauté. Puisqu’il est donné à elle, il faut qu’il réside sur place estime le concile de Trente (1563). Peu à peu, la charge de curé devient même le plus souvent inamovible, laissant peu de latitude aux évêques.
C’est pour éviter les blocages liés à cette inamovibilité que le concile Vatican II parle, dans son décret Christus Dominus sur le ministère des évêques, de stabilité : « Dans sa paroisse chaque curé doit jouir, en son office, de la stabilité que requiert le bien des âmes. » Pour mener à bien sa mission de pasteur, attentif à guider chacun de ses fidèles vers le Christ, le curé doit donc demeurer, à tous les sens du terme. Mais la traduction concrète de cette « stabilité » n’arrive en France qu’en 1984. La conférence épiscopale propose alors que les curés soient nommés pour six ans prorogeables.
Six ans en moyenne dans une paroisse
Dès lors, dans notre pays, la majorité des curés reste six ans dans une paroisse, régulièrement neuf et plus rarement douze. Quant aux vicaires et aumôniers, généralement nommés sans durée déterminée, ils sont davantage mobiles. Cette situation a ses avantages et ses défenseurs : « On n’a pas des idées géniales en permanence. Il est bon pour la paroisse d’avoir du sang neuf, et pour le prêtre d’avoir de nouveaux défis », reconnaît un prêtre.
Une source de renouvellement donc, mais également l’influence d’une société dans laquelle tout ne cesse de bouger. Don Paul Préaux, modérateur de la communauté Saint-Martin, explique : « La société du XXIe siècle est davantage sujette au mouvement que celle du XIXe. Or les prêtres ne sont pas en dehors de la société, ils vivent dans le monde même s’ils essaient de ne pas en être. » Cette souplesse permet aussi de vérifier l’amour authentique de l’Église, tant pour une communauté que pour ses prêtres : ne pas être attaché seulement à des personnes en particulier, mais accueillir ce qui nous est donné.
Une mobilité liée à la baisse du nombre de prêtres
Plus fondamentalement, cette mobilité, parfois importante, est la conséquence de la baisse du nombre de prêtres dans les diocèses. Quand l’un d’eux tombe malade, est nommé évêque ou simplement change de ministère, c’est tout le diocèse qui s’en trouve modifié, par un inévitable jeu de chaises musicales. D’autant plus prononcé dans le monde rural où les curés sont souvent seuls.
Devant ces mouvements qui peuvent déstabiliser des communautés, nombreux sont ceux qui posent la question de la stabilité, comprise de manière plus stricte. Interpellé par un texte de la Congrégation pour le clergé qui, en 2020, rappelait que la stabilité était la règle, en vue de l’évangélisation, le père François Dedieu a étudié théologiquement la question. Le fruit de son travail est à lire dans un ouvrage publié en avril dernier, Curé à durée indéterminée, préfacé par son évêque Mgr Rougé. Le sous-titre en résume bien la finalité : « Des pasteurs stables pour des paroisses qui bougent ». Parce que la vraie question est là : si l’on veut que la paroisse devienne vraiment un lieu d’évangélisation, quelle stabilité doit-on donner à son curé ?
Après avoir rappelé l’historique de l’échelon paroissial et de la charge curiale, le curé de la Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine rappelle que l’objectif de ces structures et de la stabilité est l’évangélisation : « C’est essentiellement dans la perspective missionnaire que la durée importe, car certains projets mettent du temps à se construire et méritent d’être préservés d’un changement trop fréquent de vision pastorale ».
Une vision de la stabilité qui rejoint les préoccupations de Mgr Macaire. L’archevêque de Fort-de-France, à la Martinique, nomme désormais ses curés sine die, comme le stipule le Code de droit canonique : « Le curé doit jouir de la stabilité et c’est pourquoi il sera nommé pour un temps indéterminé » (CIC, § 522). Le prêtre est ainsi mieux à même de vivre le don total à une communauté, laquelle prend conscience que le pasteur n’est ni un fonctionnaire, ni un homme interchangeable avec ses confrères.
« Bien sûr, nos paroisses prendront la couleur de leur curé, prévient le père François Dedieu, et réciproquement. Ce n’est pas un problème tant que tous sont en communion avec l’évêque. » Il ajoute : « Aujourd’hui, les curés sont déplacés alors que tout va bien, tant pour eux que pour la communauté ». Pour transformer sa paroisse, et se transformer eux-mêmes au contact des paroissiens, les prêtres ont besoin de temps. Connaissant mieux les fidèles et les réalités pastorales, qui peuvent, dans un même diocèse, être très différentes d’une communauté à une autre, la mission sera plus adaptée et plus profonde.
La stabilité est d’ailleurs la règle au niveau épiscopal. Toujours nommés sans durée déterminée, a priori jusqu’à leur renonciation à 75 ans, ils sont ainsi la vraie figure de l’Époux dans les églises particulières qui leur sont confiées. Mais même à cet échelon, la stabilité n’est pas facile à mettre en œuvre : dans l’épiscopat métropolitain actuel, seulement un quart des pasteurs est au même poste depuis dix ans ou plus.